LE SOMMAIRE DU LIVRE

15. La Bible et la Révolution française - La tragédie des siècles

Enregistrement audio
Le massacre de la nuit de la Saint-Barthélemy (1572)
Pièce commémorative de la nuit de la Saint-Barthélemy

Au seizième siècle, une Bible ouverte à la main, la Réforme avait frappé à la porte de tous les pays d’Europe. Certaines nations l’avaient accueillie comme une messagère céleste. D’autres, influencées par la papauté, lui avaient en grande partie fermé l’accès de leur territoire, qui resta ainsi presque totalement privé de la connaissance et de l’influence bienfaisante de la Parole de Dieu. Parmi ces derniers, il faut ranger la France, où la lumière pénétra de bonne heure, où, des siècles durant, la vérité et l’erreur furent aux prises, et où le mal finit par triompher et la lumière céleste par être bannie. « La lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière. » (Jean 3 : 19.) Aussi la nation française tout entière a-t-elle récolté les fruits de ses semailles. La puissance protectrice de l’Esprit de Dieu ayant cessé d’entourer un peuple qui avait méprisé le don de sa grâce, les ferments du mal sont parvenus à maturité, et le monde a pu contempler les résultats auxquels on s’expose volontairement lorsqu’on ferme sa porte au Prince de la Paix et à la pure lumière de son Evangile.

La guerre faite à 1’Evangile sur le sol de France atteignit son point culminant sous la Révolution. Cet effroyable bouleversement fut la conséquence naturelle de la suppression de la Parole de Dieu. (Voir Appencice.) Il est la démonstration la plus frappante de l’aboutissement auquel peut arriver une nation après plus d’un millénaire passé à l’école de l’église de Rome.

La suppression des saintes Ecritures durant la période de la suprématie papale avait été prédite par les prophéties ; d’autre part, l’Apocalypse avait annoncé les terribles résultats qu’aurait, pour la France en particulier, la domination de « l’homme de péché ».

« Les nations fouleront aux pieds la ville sainte pendant quarante-deux mois, avait dit saint Jean. Je donnerai à mes deux témoins le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendanf mille deux cent soixante jours. … Quand ils auront achevé leur témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, les vaincra, et les tuera. Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur Seigneur a été crucifié. … Et à cause d’eux les habitants de la terre se réjouiront et seront dans l’allégresse, et ils s’enverront des présents les uns aux autres, parce que ces deux prophètes ont tourmenté les habitants de la terre. Après les trois jours et demi, un esprit de vie, venant de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds ; et une grande crainte s’empara de ceux qui les voyaient. » (Apocalypse 11 : 2-11.)

Les périodes « quarante-deux mois » et « mille deux cent soixante jours » mentionnées dans ce passage sont un seul et même laps de temps, à savoir celui pendant lequel l’Eglise de Dieu devait être opprimée par celle de Rome. Les mille deux cent soixante années de la suprématie papale commencèrent en l’an 538 de notre ère, et devaient par conséquent se terminer en 1798. (Voir Appendice.) A cette dernière date, une armée française entra dans Rome, s’empara du pape et le conduisit en exil à Valence, où il mourut. On ne tarda pas à élire un nouveau pape, mais la Curie fut incapable de rétablir son ancienne puissance.

Cependant la persécution des fidèles disciples du Sauveur ne dura pas jusqu’à la fin de la période des mille deux cent soixante années. Dans sa miséricorde envers son peuple, Dieu abrégea la durée de cette cruelle épreuve. En prédisant la « grande affliction » qui allait être le lot de son Eglise, le Sauveur avait dit : « Et si ces jours n’étaient abrégés, personne ne serait sauvé ; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés. » (Matthieu 24 : 22.) Grâce à l’influence de la Réforme, la persécution prit fin avant 1798.

Au sujet des deux témoins, le prophète ajoute : « Ce sont les deux oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur de la terre. » (Apocalypse 11 : 4.) « Ta Parole, dit le Psalmiste, est une lampe à mes pieds, et une lumière sur mon sentier. » (Psaumes 119 : 105.) Les deux témoins représentent les Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’un et l’autre témoignent de l’origine et de la perpétuité de la loi de Dieu. L’un et l’autre proclament le plan de la Rédemption. Les symboles, les sacrifices et les prophéties de l’Ancien Testament annoncent un Sauveur à venir. Les évangiles et les épîtres du Nouveau Testament nous parlent d’un Sauveur déjà venu, et qui répond exactement aux symboles et aux prophéties.

« Je donnerai à mes deux témoins, lisons-nous dans l’Apocalypse, le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendant mille deux cent soixante jours. »

Durant la plus grande partie de cette période, les deux témoins de Dieu ont connu une période d’obscurité relative. La puissance papale s’est efforcée de soustraire au peuple la Parole de vérité et de produire de faux témoins qui en contredisaient le témoignage. » (Voir Appencice.) Le temps où les deux témoins prophétisèrent, vêtus de sacs, est celui où les saintes Ecritures étaient proscrites par les autorités civiles et religieuses, où leur témoignage était falsifié, où l’effort réuni des hommes et des démons tendait à en détourner les esprits, où ceux qui osaient en proclamer les vérités sacrées étaient traqués, ensevelis dans des cachots, torturés, martyrisés pour leur foi ou obligés d’aller demander une retraite aux forteresses de la nature, aux rochers et aux antres de la terre ; c’est alors que les deux témoins « prophétisèrent vêtus de sacs ». Ce ministère, ils le poursuivirent pendant toute la période des mille deux cent soixante années. Aux époques les plus sombres, il y eut des hommes fidèles qui aimaient la Parole de Dieu et qui, jaloux de sa gloire, reçurent de son Auteur sagesse, puissance et autorité pour annoncer la vérité.

« Si quelqu’un veut leur faire du mal, du feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis ; et si quelqu’un veut leur faire du mal, il faut qu’il soit tué de cette manière. » (Apocalypse 11 : 5.) Ce n’est jamais impunément qu’on foule aux pieds la Parole de Dieu. Le sens de cette terrible sentence est donné dans le dernier chapitre de l’Apocalypse : " Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : Si quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre ; et si quelqu’un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l’arbre de la vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre. » (Apocalypse 22 : 18, 19.)

Tels sont les avertissements que Dieu nous donne pour nous mettre en garde contre la tentation d’apporter la moindre altération à ce qu’il a révélé ou ordonné. Ces solennelles instructions s’appliquent à tous ceux dont l’influence pousse les hommes à faire peu de cas de la loi divine. Elles devraient faire trembler ceux qui traitent à la légère l’obéissance aux saints commandements de Dieu. Tous ceux qui mettent leurs opinions au-dessus de la révélation divine, qui altèrent le sens clair et évident des Ecritures en vue de se procurer un avantage particulier ou afin de se conformer au monde, prennent sur eux une redoutable responsabilité. Le critère qui servira à éprouver tous les hommes, c’est la Parole écrite, la sainte loi de Dieu ; tous ceux que ce code infaillible déclarera coupables seront condamnés.

« Quand ils auront achevé ou seront sur le point d’achever (Trad. littérale. Voir Emphatic Diaglott.) leur témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, les vaincra et les tuera. »

La période pendant laquelle les deux témoins devaient rendre leur témoignage revêtus de sacs se termina en 1798. Vers la fin de leur ministère exercé dans l’ombre, la puissance représentée par la " bête qui monte de l’abîme " allait leur faire la guerre. Durant des siècles, les autorités civiles et ecclésiastiques de plusieurs Etats européens avaient été, par l’intermédiaire de la papauté, dirigées par Satan. Mais ici on assiste à une nouvelle manifestation de sa puissance.

Sous prétexte d’une grande vénération pour les saintes Ecritures, la tactique constante de Rome avait été de les tenir scellées dans une langue inconnue, et de les mettre ainsi hors de la portée du peuple. Sous cette domination, les deux témoins avaient prophétisé vêtus de sacs. Mais un nouveau pouvoir — la « bête qui monte de l’abîme » — devait surgir et livrer une guerre ouverte à la Parole de Dieu.

« Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur Seigneur a été crucifié. »

La « grande ville » dans les rues de laquelle les deux témoins sont tués, et où gisent leurs cadavres, « est appelée, dans un sens spirituel, ... Egypte ». De toutes les nations dont 1’Ecriture nous rapporte l’histoire, c’est l’Egypte qui a le plus effrontément nié l’existence de Dieu et foulé aux pieds ses commandements. Aucun monarque ne s’était jamais révolté plus audacieusement contre l’autorité du ciel que le pharaon d’Egypte. Quand Moïse lui apporta un message de la part de Dieu, il lui répondit avec hauteur : « Qui est l’Eterne1, pour que j’obéisse à sa voix, en laissant aller Israël ? Je ne connais point l’Eterne1, et je ne laisserai point aller Israël. » (Exode 5 : 2.) Tel est le langage de l’athéisme. Or, la nation représentée ici par l’Egypte devait également refuser de reconnaître les droits du Dieu vivant ; elle devait faire preuve d’une incrédulité semblable, et défier de la même façon le Créateur des cieux et de la terre. La « grande ville » est aussi appelée, « dans un sens spirituel, Sodome ». La corruption de Sodome se manifestait plus spécialement par sa luxure. Ce péché devait également caractériser la nation qui allait accomplir cette prophétie.

Il ressort donc des paroles du prophète que, peu avant l’an 1798, un gouvernement sortant de « l’abîme » devait s’élever pour faire la guerre à la Parole de Dieu. Dans le pays où les deux témoins allaient être réduits au silence, on devait voir s’étaler l’athéisme de Pharaon et la luxure de Sodome.

Cette prophétie a reçu l’accomplissement le plus frappant dans l’histoire de la France. Au cours de la Révolution, en 1793, « le monde vit pour la première fois une assemblée d’hommes nés et élevés en pays civilisé, et s’arrogeant le droit de gouverner la nation la plus policée de l’Europe, s’unir pour renier unanimement la vérité la plus haute qui soit accessible à l’homme : la foi en la divinité et en son culte. » (Voir Appendice.) « La France est la seule nation du monde qui ait officiellement osé lever la main contre l’Auteur de l’univers. Il y a eu, et il y a encore, bon nombre de blasphémateurs et d’incrédules en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et ailleurs ; mais la France occupe une place à part dans les annales de l’humanité, étant le seul Etat qui, par une décision de son assemblée législative, ait déclaré l’inexistence de Dieu, et dont la vaste majorité de sa population, tant dans la capitale qu’en province, ait accueilli cette nouvelle par des danses et des chants de joie. " (Voir Appendice.)

A la même époque, la France manifesta aussi le caractère de Sodome. Au cours de la Révolution, on put constater un état de corruption analogue à celui qui attira la colère de Dieu sur cette ville coupable de l’antiquité. L’histoire, comme la prophétie, établit un rapport entre l’athéisme et l’impudicité. « En relation intime avec les lois contre la religion se trouvait celle qui attaquait le mariage. L’engagement le plus sacré existant entre deux êtres humains, et dont la permanence est indispensable à la conservation de la société, était réduit à l’état de simple contrat civil de nature transitoire, et que deux personnes peuvent contracter et rompre à volonté. ... Si des ennemis de la société s’étaient imposé la tâche de détruire tout ce qu’il y a de gracieux, de vénérable et de constant dans la vie domestique par un mal qui se perpétuât de génération en génération, ils n’auraient rien pu trouver de plus efficace que la dégradation du mariage. ... Sophie Arnould, actrice célèbre par son esprit, appelait l’union libre « le sacrement de l’adultère. »

« Où leur Seigneur a été crucifié », dit la prophétie. Ce détail prophétique s’était également réalisé. Aucun pays — au cours de son histoire — n’avait manifesté autant d’inimitié que la France contre Jésus-Christ, contre sa Parole et contre ses vrais disciples. Par les persécutions qu’elle avait fait subir au cours des siècles aux confesseurs de l’Evangile, elle avait réellement « crucifié le Seigneur » dans la personne de ses disciples.

Siècle après siècle, le sang des saints avait coulé à flots. Pendant que les Vaudois, dans les montagnes du Piémont, donnaient leur vie pour « la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus », les Albigeois faisaient, en France, le même sacrifice et pour la même cause. Aux jours de la Réforme, les Huguenots avaient également versé leur sang pour conserver ce qu’il y a de plus cher au cœur humain : la conscience. Traités en parias, ils avaient vu leur tête mise à prix. Pourchassés comme des fauves, ils avaient subi la mort après d’affreuses tortures. Le roi et les nobles, des femmes de haute naissance et de délicates jeunes filles s’étaient rassasiés du spectacle de l’agonie des martyrs de Jésus.

Ceux de leurs descendants qui restaient encore en France au dix-huitième siècle se cachaient dans les montagnes du Midi, et là, sous le nom d’ « Eglise du Désert », ils conservaient la foi de leurs pères. Quand ils osaient se réunir de nuit sur le flanc des montagnes ou dans les landes désertes, c’était au risque d’être traqués par les dragons du roi et condamnés à une vie d’esclavage sur les galères. Les hommes les plus purs, les plus nobles et les plus distingués de France vivaient dans les chaînes, ou exposés aux plus horribles tortures dans la promiscuité des bandits et des assassins. Plus humainement traités étaient ceux qui, sans armes et sans défense, tombant à genoux et se recommandant à Dieu, étaient fusillés de sang-froid. Des centaines de vieillards, de femmes inoffensives et d’enfants innocents, surpris en pleine assemblée, étaient laissés inanimés sur les lieux. En parcourant le versant des montagnes où ces infortunés chrétiens avaient coutume de se réunir, on voyait souvent, « tous les quatre pas, des corps morts qui jonchaient le chemin et des cadavres suspendus aux arbres ». Leur pays, dévasté par l’épée, la hache et le bûcher, fut transformé en un vaste et lugubre désert. « Ces atrocités se perpétraient non pas en un temps de ténèbres et d’ignorance, mais dans le siècle poli de Louis XIV, siècle où les arts et les sciences étaient cultivés, où les lettres florissaient et où les théologiens de la cour et de la capitale, savants et éloquents, se paraient des grâces de la douceur et de la charité. » (Voir Appendice.)

Mais le plus noir des forfaits, le plus atroce des crimes enregistrés par l’histoire, fut le massacre de la Saint-Barthélemy. Le monde frémit encore d’horreur au souvenir de ce lâche et cruel attentat. Sous la pression des dignitaires de l’Eglise, ce crime fut autorisé par le roi de France. Une cloche de l’église de Saint-Germains-l’Auxerrois, retentissant dans le silence de la nuit, donna le signal de la tuerie. Des milliers de protestants qui, comptant sur la parole d’honneur de leur roi, reposaient tranquillement dans leurs lits, furent assaillis dans leurs demeures et massacrés.

De même que le Christ avait été le Conducteur invisible de son peuple lorsqu’il l’arracha à l’esclavage de l’Egypte, de même Satan fut le chef invisible de ses sujets dans cet horrible égorgement qui se poursuivit dans Paris sept jours durant, les trois premiers avec une indicible fureur. Mais cette œuvre de mort ne se borna pas à la capitale : par ordre du roi, elle s’étendit à toutes les provinces et à toutes les villes où vivaient des protestants. On n’eut égard ni à l’âge ni au sexe. On n’épargna ni l’enfant à la mamelle, ni le vieillard aux cheveux blancs. Nobles et paysans, jeunes et vieux, mères et enfants, tous étaient également immolés. Le massacre dura deux mois entiers dans toutes les parties de la France. Soixante-dix mille âmes environ, la fleur de la nation, périrent.

« Quand la nouvelle de ce crime parvint à Rome, la joie du clergé ne connut pas de bornes. Le cardinal de Lorraine récompensa le messager d’un don de mille couronnes ; le canon de Saint-Ange se fit entendre en signe de joyeux salut ; les cloches de toutes les églises sonnèrent à toute volée ; les feux de joie transformèrent la nuit en jour ; et Grégoire XIII, accompagné des cardinaux et d’autres dignitaires ecclésiastiques, se rendit en procession à l’église de Saint-Louis, où le cardinal de Lorraine chanta le Te Deum. ... Une médaille fut frappée pour commémorer l’événement. Le pape Grégoire envoya la Rose d’or à Charles IX et, quatre mois après, ... il écoutait complaisamment le sermon d’un prêtre français célébrant ce jour de joie et d’allégresse où le Saint-Père reçut l’heureuse nouvelle, et alla solennellement en rendre grâces à Dieu et à Saint Louis. » (Voir Appendice.) On peut encore voir au Vatican les trois fresques de Vasari représentant le meurtre de Coligny, le roi décidant le massacre en conseil, et le massacre lui-même.

L’esprit infernal qui poussa à la Saint-Barthélemy présida aussi aux scènes de la Révolution. Jésus-Christ y fut déclaré un imposteur, et le cri de ralliement des incrédules qui le désignaient était : « Ecrasons l’infâme » (Voir Appendice.) Le blasphème et la luxure marchaient de pair ; des hommes abjects, des monstres de cruauté et de vice étaient comblés d’honneur : hommage suprême rendu à Satan, tandis que Jésus-Christ, la personnification de la vérité, de la pureté et de l’amour désintéressé, était crucifié à nouveau.

« La bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre ; elle les vaincra et les tuera. »

Comme on vient de le voir, la puissance athée qui gouverna la France sous la Révolution et le règne de la Terreur livra en effet à Dieu et à sa Parole une guerre sans précédent dans l’histoire. L’Assemblée nationale abolit le culte de la divinité. Les exemplaires de la sainte Ecriture furent ramassés et brûlés publiquement avec toutes les marques du mépris. La loi de Dieu était foulée aux pieds. La célébration publique du culte chrétien, du baptême et de la cène fut interdite ; le repos hebdomadaire fut supprimé et remplacé par le décadi. Des inscriptions placées bien en vue sur les cimetières déclaraient que la mort est un sommeil éternel.

On affirmait que, loin d’être « le commencement de la sagesse », la crainte de Dieu était le commencement de la folie. Tout culte religieux, sauf celui de la liberté et de la patrie, fut prohibé. « L’évêque constitutionnel de Paris eut le principal rôle dans une comédie impudente et scandaleuse qui fut jouée en présence de l’Assemblée nationale. ... Il vint, recouvert de ses ornements sacerdotaux, pour déclarer à la barre de la Convention que la religion qu’il avait enseignée tant d’années avait été inventée de toutes pièces par les prêtres et qu’elle n’avait aucun fondement ni dans l’histoire ni dans la vérité sacrée. Dans les termes les plus solennels et les plus explicites, il nia l’existence de la divinité dont il avait été le prêtre, annonçant qu’il allait désormais dédier sa vie au culte de la liberté, de l’égalité, de la vertu et de la morale. Il déposa alors devant l’Assemblée ses insignes épiscopaux et reçut du président de la Convention l’accolade fraternelle. Plusieurs prêtres apostats suivirent l’exemple de ce prélat. » (Voir Appendice.)

« Et à cause d’eux les habitants de la terre se réjouiront et seront dans l’allégresse, et ils s’enverront des présents les uns aux autres, parce que ces deux prophètes ont tourmenté les habitants de la terre. » La France avait réduit au silence la voix de ces deux témoins. La Parole de vérité, étendue comme un cadavre dans ses rues, mettait dans la joie ceux qui haïssaient les restrictions et les exigences de la loi divine. On outrageait publiquement le Dieu du ciel.

Comme certains pécheurs d’autrefois, on s’écriait : « Comment Dieu saurait-il, comment le Très-Haut connaîtrait- il ? » (Psaumes 73 : 11.)

Avec une hardiesse dans le blasphème depassant presque toute conception, un prêtre du nouvel ordre s’écriait : « Dieu, si tu existes, venge les injures faites à ton nom. Je te défie ! … Tu gardes le silence. … Tu n’oses pas lancer les éclats de ton tonnerre ! … Qui, après ceci, croira encore à ton existence ? » (Lacretelle, Histoire, vol. XVI, p. 309. Cité dans Alison’s History of Europe, vol.I, chap. X..) Echo frappant des paroles de Pharaon : « Qui est 1’Eternel pour que j’obéisse à sa voix ? Je ne connais pas 1’Eternel ! »

« L’insensé dit en son cœur : Il n’y a point de Dieu. » (Psaumes 14 : 1.) De ceux qui pervertissent la vérité, il est dit : « Leur folie sera manifeste pour tous » (2 Thimothée 3 : 9.) Quand la foule eut répudié le culte du Dieu vivant, de celui « dont la demeureest éternelle », elle ne tarda pas à glisser dans une idolâtrie dégradante. En la personne d’une comédienne, le culte de la Raison fut inauguré sous les auspices de l’Assemblée nationale et des autorités civiles et législatives.

« Les portes de la Convention s’ouvrirent toutes grandes pour livrer passage à une bande de musiciens, à la suite de laquelle les membres du Conseil municipal entrèrent en procession solennelle, chantant un hymne à la liberté et escortant, comme objet de leur culte futur, une femme voilée dénommée la déesse Raison. Dès qu’elle se trouva dans l’enceinte, on la dépouilla solennellement de son voile, et elle prit place à la droite du président. On reconnut alors une actrice de l’Opéra. C’est à cette femme, considérée comme le meilleur emblème de la raison, qu’allèrent les hommages publics de la Convention nationale.

» Cette cérémonie impie et ridicule eut une certaine vogue ; l’instauration de la déesse Raison fut renouvelée et imitée dans toutes les parties de la France où l’on voulut se montrer à la hauteur de la Révolution. " (Voir Appendice.)



Chaumette introduisit le culte de la Raison en ces termes : « Législateurs, le fanatisme a cédé la place à la Raison. Ses yeux louches n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière. Aujourd’hui, un peuple immense s’est porté sous ces voûtes gothiques où, pour la première fois, on a entendu la vérité. Là, les Français ont célébré le seul vrai culte, celui de la liberté, celui de la raison. Là, nous avons formé des vœux pour la prospérité des armes de la République. Là, nous avons échangé des idoles inanimées pour la Raison, pour cette image animée, le chef d’œuvre de la nature. » (Thiers, Hist. de la Révolution française, liv. I, p. 260.)

Lorsque la déesse fut amenée devant la Convention, le président la prit par la main et dit en se tournant vers l’Assemblée : " Mortels, cessez de trembler devant le Dieu que vos prêtres ont créé. Ne reconnaissez plus désormais d’autre divinité que la Raison. Je vous présente sa plus noble et sa plus pure image ; s’il vous faut des idoles, n’apportez plus vos hommages qu’à celle-ci. … Tombe devant l’auguste Sénat de la Liberté, ô voile de la Raison ! …

» Après avoir reçu l’accolade du président, l’idole, montée sur un char magnifique, fut conduite, au milieu d’un immense concours de peuple, à la cathédrale Notre-Dame pour y figurer la divinité. Placée sur un autel élevé, elle reçut les adorations de tous les spectateurs. » (Alison, vol. I, chap. X..)

Cette cérémonie fut suivie d’un autodafé de livres pieux, y compris la Bible. « La Société populaire de la section du Musée entra au Conseil en criant : Vive la Raison ! et, portant au bout d’un bâton les restes d’un livre encore fumant, elle annonce que les bréviaires, les missels, les heures, les oraisons de Sainte-Brigitte, l’Ancien et le Nouveau Testament ont expié, dans un grand feu, sur la place du Temple de la Raison, toutes les sottises qu’ils ont fait commettre à l’espèce humaine. » (Journal de Paris, 1793, numéro 318. Cité par Buchez-Roux, vol. XXX, p. 200, 201.)

Le papisme avait commencé le travail qu’achevait l’athéisme. Les leçons de Rome avaient entraîné la France dans une crise sociale, politique et religieuse qui la précipitait vers la ruine. En parlant des horreurs de la Révolution, certains auteurs en jettent la responsabilité à la fois sur le Trône et sur 1’Eglise. (Voir Appendice.) En toute justice, ces excès doivent être attribués à l’Eglise, qui avait empoisonné l’esprit des rois au sujet de la Réforme, qualifiée par elle d’ennemie de la couronne et d’élément de discorde fatal à la paix de la nation. Le génie de Rome avait inspiré les cruautés inouïes et la terrible oppression exercées par l’autorité royale.

En revanche, l’esprit de liberté avait marché de pair avec la Parole de Dieu. Partout où 1’Evangile avait été reçu, les yeux s’étaient ouverts. Les chaînes de l’ignorance, du vice et de la superstition, le plus avilissant des esclavages, avaient été brisées. … On s’était mis à penser et à agir en hommes. Ce que voyant, les monarques avaient tremblé pour leur despotisme et Rome s’était empressée d’attiser leurs craintes jalouses. En 1525, le pape disait au régent de France : « Cette forcènerie le protestantisme ne se contentera pas de brouiller la religion et de la détruire, mais aussi principautés, lois, ordres et même rangs. » (G. de Félice, Hist, des Protestants de France - 6e éd. - liv. I, chap. II, p.28.) Quelques années plus tard, le nonce du pape donnait au roi cet avertissement : « Sire, ne vous y trompez pas, les protestants porteront atteinte à l’ordre civil comme à l’ordre religieux. Le trône est en danger tout autant que l’autel. L’introduction d’une religion nouvelle doit entraîner nécessairement un gouvernement nouveau. » (Merle d’Aubigné, Hist. de la Réformation au temps de Calvin, liv. II, chap. XXXVI.) Et les théologiens de faire appel aux préjugés populaires en déclarant que la doctrine protestante « entraîne les hommes vers des nouveautés et des folies ; qu’elle prive le roi de l’affection de ses sujets et dévaste à la fois l’Eglise et l’Etat ». C’est ainsi que Rome avait réussi à dresser la France contre la Réforme.

Les enseignements des Ecritures auraient au contraire implanté dans les esprits et les cœurs des principes de justice, de tempérance, de vérité, d’équité et de bienveillance, principes qui sont la pierre angulaire de la prospérité nationale. « La justice élève une nation. » « C’est par la justice que le trône s’affermit. » « L’œuvre de la justice sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour toujours. » (Proverbes 14 : 34 ; 16 : 12 ; Esaïe 32 : 17.) Celui qui est soumis à la loi divine ne faillira pas non plus au respect des lois de son pays. Celui qui craint Dieu « honorera le roi » dans l’exercice de ses attributions justes et légitimes. Les dirigeants de la France ne se doutaient guère, hélas ! des conséquences de leur fatale politique lorsqu’ils prohibèrent les Ecritures et bannirent ses disciples, lorsque, siècle après siècle, des hommes intègres, éclairés, consciencieux, ayant le courage de leurs convictions et la foi qui consent à souffrir pour la vérité, avaient été condamnés aux galères, consumés sur les bûchers ou enterrés vifs dans de sombres cachots. Des myriades d’autres avaient cherché leur salut en passant à l’étranger. Et cela dura deux cent cinquante ans à partir des débuts de la Réforme !

« Il n’y eut peut-être pas une génération de Français, au cours de cette longue période, qui ne fût témoin de la fuite éperdue des disciples de l’Evangile devant la fureur de leurs persécuteurs. Emportant avec eux leurs arts et leurs industries (dans lesquels ils excellaient généralement) , leur intelligence et leur esprit d’ordre, ils allèrent, au détriment de la France, enrichir les pays qui leur donnaient asile.

» Si, au cours de ces trois siécles, la main active de ces exilés avait cultivé le sol national ; si leurs talents industriels avaient perfectionné ses usines ; si leur génie créateur avait enrichi sa littérature et cultivé ses sciences ; si leur sagesse avait dirigé ses conseils ; si leur bravoure s’était donné libre carrière sur ses champs de bataille ; si leur équité avait rédigé ses lois et si la religion de l’Evangile avait formé les consciences, quelle ne serait pas, aujourd’hui, la gloire de la France ! Grande, prospère, heureuse, elle eût servi de modèle à tous les peuples de la terre !

» Au lieu de cela, un fanatisme aveugle et inexorable chassait du sol français les maîtres de la vertu, les champions de l’ordre et les vrais soutiens du trône. En disant aux hommes qui auraient pu assurer la gloire de leur patrie : Vous avez le choix entre l’exil et le bûcher, on consomma la ruine de 1’Etat. Et comme il ne resta plus de conscience à proscrire, plus de religion à traîner sur la roue, plus de patriotisme à exiler, on eut la Révolution et ses horreurs.

» La fuite des Huguenots avait été suivie en France d’une décadence générale. Des villes industrielles florissantes tombèrent à rien ; des régions fertiles demeurèrent en friche. A une période de progrès sans précédent succédèrent le marasme intellectuel et le déclin moral. Paris devint une vaste aumônerie où deux cent mille personnes, au moment de la Révolution, attendaient leur subsistance des largesses royales. Seuls, au sein de la décadence, les Jésuites prospéraient et faisaient peser le joug de leur tyrannie sur les Eglises, sur les écoles, dans les prisons et sur les galères. »

L’Evangile aurait apporté à la France la solution des problèmes politiques et sociaux qui déjouaient l’habileté de son clergé, de son roi et de ses législateurs et qui finirent par plonger le pays dans l’anarchie et la ruine. Malheureusement, sous la tutelle de Rome, le peuple avait oublié les enseignements bénis du Sauveur se résumant dans l’amour du prochain. On l’avait détourné de la voie du désintéressement. On n’avait pas censuré le riche opprimant le pauvre ni secouru le pauvre dans sa servitude et sa dégradation. L’égoïsme du riche et du puissant était devenu de plus en plus dur et cruel. Depuis des siècles, une noblesse prodigue et dissolue écrasait le paysan ; le riche pillait le pauvre et chez le pauvre la haine allait en grandissant.

Dans plusieurs provinces, les nobles étaient seuls propriétaires fonciers, et la classe laborieuse, à la merci des propriétaires, était soumise aux exigences les plus exorbitantes. Accablées d’impôts par les autorités civiles et par le clergé, la classe moyenne et la classe ouvrière étaient chargées d’entretenir à la fois l’Eglise et 1’Etat. « Le bon plaisir des nobles était considéré comme la loi suprême ; les fermiers et les paysans pouvaient mourir de faim : leurs oppresseurs n’en avaient cure. … Les intérêts exclusifs des propriétaires devaient toujours passer en premier. La vie du travailleur agricole était une existence de misère ; ses plaintes, si jamais il s’avisait d’en faire entendre, étaient accueillies avec un superbe mépris. Les tribunaux donnaient toujours raison au noble contre le paysan. Les juges se laissaient publiquement acheter et les caprices des aristocrates avaient force de loi. En vertu de ce système, la corruption était générale. Des impôts arrachés au peuple, la moitié à peine trouvait le chemin du trésor royal ou épiscopal ; le reste était gaspillé. Et les hommes qui appauvrissaient ainsi leurs concitoyens étaient eux-mêmes exempts d’impôts et avaient droit, de par la loi ou la coutume, à toutes les charges de l’Etat. La Cour vivait dans le luxe et la dissipation. Les classes privilégiées comptaient cent cinquante mille membres et, pour suffire à leur gaspillage, des millions de leurs concitoyens étaient condamnés à une vie de dégradation sans issue. » (Voir Appendice.)

La cour se livrait au luxe et à la dissipation. Toutes les mesures du gouvernement étaient considérées avec méfiance par les administrés. Avec une aristocratie endurcie et corrompue, avec des classes inférieures indigentes et ignorantes, avec des finances obérées et un peuple exaspéré, il n’était pas nécessaire d’être prophète pour prédire ce qui devait arriver. En ces temps de relâchement, Louis XV se signala pendant plus d’un demi-siècle par son indolence, sa frivolité et sa sensualité. C’était en vain qu’on le pressait de faire des réformes. S’il voyait le mal, il n’avait ni le courage ni le pouvoir d’y parer. Aux avertissements de ses conseillers, il répondait invariablement : « Tâchez de faire durer les choses aussi longtemps que je vivrai. Après ma mort, il arrivera ce qu’il pourra. » Il ne prédisait que trop bien le sort qui attendait la France par cette parole souverainement égoïste : « Après moi le déluge ! »

En jouant sur la jalousie des rois et des classes dirigeantes, Rome les avait poussés à maintenir le peuple dans un état de servitude, sachant très bien qu’en affaiblissant l’Etat, elle affermissait d’autant son ascendant sur la nation entière. Sa politique clairvoyante lui enseignait que, pour asservir les peuples, il faut enchaîner les âmes et leur ôter toute velléité de liberté. Or la dégradation morale résultant de cette politique était mille fois plus lamentable que les souffrances physiques. Privé du pur Evangile, saturé de fanatisme, le peuple était plongé dans l’ignorance, la superstition et le vice, et, par conséquent, il ne savait pas se gouverner.

Tel était le plan de Rome. Mais le dénouement fut tout autre. Au lieu de retenir les foules dans une aveugle soumission à ses dogmes, elle avait fait des incrédules et des révolutionnaires. Considéré par le peuple comme inféodé aux oppresseurs, le romanisme récolta sa haine. Le seul dieu, la seule religion que l’on connût étant le dieu de Rome et les enseignements de Rome, on considéra l’avarice et la cruauté de l’Eglise comme les fruits légitimes de l’Evangile et l’on ne voulut plus en entendre parler.

Rome ayant dénaturé le caractère de Dieu et perverti ses exigences, on rejeta et la Bible et son Auteur. Au nom des Ecritures, la papauté avait exigé une foi aveugle en ses dogmes. Par réaction, Voltaire et ses collaborateurs rejetèrent entièrement la Parole divine et semèrent à pleines mains le poison de l’incrédulité, Rome avait écrasé le peuple sous son talon de fer et maintenant, dans leur horreur de la tyrannie, les masses dégradées et brutalisées rejetaient toute contrainte. Furieux d’avoir trop longtemps rendu hommage à une brillante fiction, le peuple rejeta également la vérité et le mensonge. Confondant la liberté avec la licence, les esclaves du vice exultèrent dans leur liberté imaginaire.

Au commencement de la Révolution, par concession royale, le peuple obtint aux Etats généraux une représentation supérieure en nombre à celles du clergé et de la noblesse. La majorité gouvernementale se trouvait donc entre ses mains ; mais il n’était pas en état d’en user avec sagesse et modération. Dans sa hâte de redresser les torts dont elle avait souffert, une populace aigrie par la souffrance et par le souvenir des vieilles injustices entreprit aussitôt de reconstruire la société et de se venger des auteurs de son dénuement. Mettant à profit les leçons qu’on leur avait données, les opprimés devinrent les oppresseurs de leurs tyrans.

Malheureuse France ! Elle récoltait dans le sang la moisson de ses semailles et buvait au calice amer de sa soumission à la puissance de Rome. C’est sur l’emplacement même où, sous l’influence du clergé, avait été élevé le premier bûcher à l’intention des réformés que la Révolution dressa la première guillotine. C’est à l’endroit même où, au seizième siècle, les premiers martyrs de la foi réformée avaient été brûlés, qu’au dix-huitième furent guillotinées les premières victimes de la vindicte populaire. En rejetant 1’Evangile qui lui eût apporté la guérison, la France avait ouvert toute grande la porte à l’incrédulité et à la ruine. Le joug des lois divines secoué, on s’aperçut que les lois de l’homme étaient impuissantes à endiguer la marée montante des passions humaines, et la nation sombra dans la révolte et l’anarchie. La guerre à la Parole de Dieu inaugura une ère connue dans l’histoire sous le nom de « règne de la Terreur ». La paix et le bonheur furent bannis des foyers et des cœurs. Personne n’était en sécurité. Celui qui triomphait aujourd’hui était, demain, accusé et condamné. La violence et la luxure avaient libre cours.

Le roi, le clergé et la noblesse furent livrés aux atrocités d’une populace en démence. L’exécution du roi excitant la soif de vengeance, les hommes qui avaient décrété sa mort le suivirent bientôt à la guillotine. Le massacre général de tous ceux qui étaient suspects d’hostilité à la Révolution fut décidé. Les prisons étaient combles : un certain moment, elles n’abritaient pas moins de deux cent mille captifs. Dans les villes de province, on n’assistait qu’à des scènes d’horreur. La France était devenue un champ clos où s’affrontaient des foules en proie à la fureur de leurs passions. « A Paris, où les tumultes succédaient aux tumultes, les citoyens étaient partagés en factions ne visant qu’à leur extermination mutuelle. » Pour comble de malheur, la France avait sur les bras une guerre dévastatrice avec les grandes puissances. « Le pays était acculé à la faillite ; les armées réclamaient leur solde arriérée ; Paris était réduit à la famine ; les provinces étaient ravagées par des brigands, et la civilisation faisait place à l’anarchie. »

Le peuple, hélas ! n’avait que trop bien retenu les néfastes leçons de cruauté que Rome lui avait si patiemment enseignées, et le jour des rétributions était enfin venu. Ce n’étaient plus maintenant les disciples de Jésus qu’on jetait dans les cachots et qu’on entraînait à l’échafaud. Il y avait longtemps qu’ils avaient été ou égorgés ou contraints de s’exiler. Rome recevait maintenant les coups mortels de ceux qu’elle avait habitués à verser, d’un cœur léger, le sang de leurs frères. « La persécution dont le clergé de France avait donné l’exemple pendant tant de siècles se retournait maintenant contre lui avec une redoutable rigueur. Le sang des prêtres ruisselait sur les échafauds. Les galères et les prisons, autrefois pleines de Huguenots, se peuplaient maintenant de leurs persécuteurs. Enchaînés à leur banc et tirant l’aviron, des prêtres expérimentaient à leur tour les supplices qu’ils avaient si gaiement infligés aux doux hérétiques. » (Voir Appendice.)

« Puis vinrent les jours où le plus barbare de tous les codes fut appliqué par un tribunal plus barbare encore ; où nul ne pouvait saluer son voisin ni faire sa prière sans s’exposer à commettre un crime capital ; où des espions étaient apostés à tous les coins de rue ; où la guillotine fonctionnait avec acharnement toute la matinée ; où les égoûts de Paris emportaient à la Seine des flots de sang humain. … ; où des tombereaux parcouraient journellement les rues de Paris conduisant au lieu d’exécution leurs chargements de victimes ; où les consuls envoyés dans les départements par le Comité de Salut public se livraient à des orgies de cruauté inconnues même dans la capitale. Le couperet de la fatale machine montait et retombait trop lentement pour suffire à sa tâche et de longues files de captifs étaient fauchées par la mitraille. Pour les noyades en masse, on défonçait des barques chargées de malheureuses victimes. Lyon fut réduit en désert. A Arras, on refusa même aux prisonniers la cruelle miséricorde d’une mort immédiate. Tout le long de la Loire, de Saumur jusqu’à la mer, de grandes troupes de corbeaux et de vautours se repaissaient de la chair des cadavres nus, entrelacés dans de hideuses étreintes. On ne faisait grâce ni au sexe ni à l’âge. Des jeunes gens et des jeunes filles au-dessous de dix-sept ans étaient immolés par centaines. Les Jacobins se lançaient d’une pique à l’autre de petits enfants, arrachés au sein maternel. » (Voir Appendice.)

Dans le court espace de dix ans, des multitudes d’êtres humains avaient péri de mort violente. Tout cela était conforme aux désirs du prince des ténèbres et au but qu’il poursuit de siècle en siècle avec une invariable fourberie. Son objet est de plonger l’homme, créature de Dieu, dans la désolation, de le défigurer, de le souiller et par là de contrister le ciel en entravant les plans de la bienveillance et de l’amour divins. Cela fait, aveuglant les esprits, il rejette sur Dieu la responsabilité de son œuvre, qu’il fait passer pour le résultat des desseins originels du Créateur. Et lorsque ceux qu’il a longtemps brutalisés et dégradés finissent par secouer leur chaîne, il les pousse à des excès et à des atrocités que les tyrans et les oppresseurs citent ensuite comme les conséquences légitimes de la liberté.

Mais il y a plus. Lorsqu’une certaine forme d’erreur est dévoilée, Satan la présente sous un autre déguisement, qui est reçu par la multitude avec tout autant de faveur que le précédent. Voyant que le romanisme était démasqué et qu’il ne pouvait plus s’en servir pour égarer les foules, l’ennemi les poussa dans l’extrême opposé. On rejeta toutes les religions comme mensongères et la Parole de Dieu comme un tissu de fables, pour se livrer sans remords à l’iniquité.

Ce qui attira tant de calamités sur la France, c’est l’ignorance fatale de cette grande vérité, à savoir que la véritable liberté se trouve dans l’obéissance à la loi de Dieu. « Oh ! si tu étais attentif à mes commandements ! Ton bien-être serait comme un fleuve, et ton bonheur comme les flots de la mer. » « Il n’y a point de paix pour les méchants, dit l’Eternel. » « Mais celui qui m’écoute reposera avec assurance, il vivra tranquille et sans craindre aucun mal. » (Esaïe 48 : 18, 22 ; Proverbes 1 : 33.)

Les athées, les incrédules et les apostats peuvent repousser et combattre la loi de Dieu, les résultats de leur œuvre prouvent que la prospérité de l’homme depend de l’obéissance aux statuts divins. Que ceux qui ne veulent pas croire le Livre de Dieu se donnent la peine de lire ce fait dans l’histoire des nations.

Quand Satan se servait de 1’Eglise romaine pour entraîner les hommes loin du sentier de l’obéissance, sa main était si bien dissimulée qu’on ne voyait pas dans les maux qui en découlaient les résultats naturels de l’erreur. En outre, sa puissance était à tel point neutralisée par l’Esprit de Dieu que son système ne pouvait produire tous ses fruits. On ne remontait pas des effets à la cause, et on ne découvrait pas la source des misères publiques. C’est lors de la Révolution, où la loi de Dieu fut ouvertement supprimée par l’Assemblée nationale, et surtout sous le règne de la Terreur qui suivit, que chacun put voir les conséquences de l’abandon des préceptes divins.

Quand la France renia Dieu publiquement et rejeta la Bible, les impies — comme aussi les démons — exultèrent de voir enfin la réalisation de leur plus cher désir : un royaume affranchi des restrictions de la loi de Dieu ! « Parce qu’une sentence contre les mauvaises actions ne s’exécute pas promptement, le cœur des fils de l’homme se remplit en eux du désir de faire le mal. » (Ecclésiste 8 : 11.) Ils ignorent que la violation d’une loi juste entraîne nécessairement une pénalité et que, si le châtiment ne suit pas toujours de près la transgression, il n’en est pas moins certain. Des siècles d’apostasie et d’iniquité avaient accumulé « un trésor de colère pour le jour de la colère » ; aussi, une fois la coupe de leur iniquité comblée, les prévaricateurs et les impies apprirent que lasser la patience divine est une chose terrible. L’Esprit de Dieu, dont la puissance protectrice imposait un frein à la cruauté de Satan, s’étant partiellement retiré, l’être implacable qui trouve ses délices à faire souffrir les hommes put agir à sa guise. Ceux qui avaient choisi le sentier de la révolte eurent bientôt l’occasion d’en mesurer les conséquences sur une terre couverte de forfaits indescriptibles.

« A cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre, et la dixième partie de la ville de la grande ville : la chrétienté, à savoir la France tomba. »

Des provinces dévastées et des villes ruinées monta, lamentable et amère, une clameur désespérée. La France était secouée comme par un « tremblement de terre ». La religion, la loi, l’ordre social, la famille, l’Eglise et l’Etat, tout était abattu par la main impie qui s’était levée contre la loi de Dieu. Ces paroles du Sage se justifiaient : « Le bonheur n’est pas pour le méchant. » « Cependant, quoique le pécheur fasse cent fois le mal et qu’il y persévère longtemps, je sais aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu’ils ont de la crainte devant lui. » (Ecclésiaste 8 : 12, 13.) « Parce qu’ils ont haï la science, et qu’ils n’ont pas choisi la crainte de l’Eterne1, … ils se nourriront du fruit de leur voie, et ils se rassasieront de leurs propres conseils. » (Proverbes 1 : 29-31.)

Bien qu’immolés par la puissance blasphématrice « qui monte de l’abîme », les témoins de Dieu ne devaient pas demeurer longtemps silencieux. « Après les trois jours et demi, un esprit de vie, venant de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds ; et une grande crainte s’empara de ceux qui les voyaient. » (Apocalypse 11 : 11.) C’est en 1793 que l’Assemblée nationale avait décrété l’abolition de la religion chrétienne et la suppression des saintes Ecritures. Trois ans et demi plus tard, la même Assemblée rapportait son décret et tolérait ainsi la libre circulation du Livre saint. Le monde, épouvanté à la vue des débordements qui avaient suivi la répudiation de l’Evangile, reconnut la nécessité de la foi en Dieu et en sa Parole comme base de la vertu et de la morale. Cela était écrit : « Qui as-tu insulté et outragé ? Contre qui as-tu élevé la voix ? Tu as porté tes yeux en haut sur le Saint d’Israël. » « C’est pourquoi voici, je leur fais connaître, cette fois, je leur fais connaître ma puissance et ma force ; et ils sauront que mon nom est 1’Eternel. » (Esaïe 37 : 23 ; Jérémie 16 : 21.)

Le prophète ajoute, au sujet des deux témoins : « Et ils entendirent du ciel une voix qui leur disait : Montez ici ! Et ils montèrent au ciel dans la nuée ; et leurs ennemis les virent. » (Apocalypse 11 : 12.) Depuis que la France a fait la guerre aux témoins de Dieu, ils ont été plus honorés que jamais. En 1804 fut fondée la Société biblique britannique et étrangère. Elle fut suivie de l’organisation en Europe de plusieurs sociétés auxiliaires. En 1816 avait lieu la fondation de la Société biblique américaine et, en 1818, celle de la Société biblique britannique, les saintes Ecritures étaient imprimées en cinquante langues ; depuis, elles l’ont été en plus de huit cent langues et dialectes. (Voir Appendice.)

Les progrès dans l’art de l’imprimerie ont très sensiblement aidé à la propagation des saintes Ecritures. Les facilités de communication d’un pays à l’autre, la disparition des barrières élevées par les préjugés et les exclusivismes nationaux, ainsi que la chute du pouvoir temporel ont frayé la voie à la diffusion de la Parole de Dieu. Depuis 1871, les saintes Ecritures se vendent sans entrave dans les rues de Rome et elles se répandent actuellement dans toutes les régions habitées du globe.

L’incrédule Voltaire disait : Je suis las d’entendre répéter que douze hommes ont fondé la religion chrétienne. Je prouverai qu’il suffit d’un seul homme pour la renverser. » Il y a bientôt deux siècles que cet écrivain est mort. Des millions de sceptiques se sont joints à lui dans la guerre contre les oracles de Dieu. Or loin d’être extirpés, là où il y avait cent exemplaires aux jours de Voltaire, il y en a dix mille, que dis-je ? il y en a cent mille aujourd’hui. Pour parler avec un réformateur, « les Ecritures sont une enclume qui a déjà usé bien des marteaux ». Le Seigneur ajoute : « Toute arme forgée contre toi sera sans effet ; et toute langue qui s’élèvera en justice contre toi, tu la condamneras. » (Esaïe 54 : 17.)

« La Parole de notre Dieu subsiste éternellement. » « Les œuvres de ses mains sont fidélité et justice ; toutes ses ordonnances sont véritables, affermies pour l’éternité, faites avec fidélité et droiture. » (Esaïe 40 : 18 ; Psaume 111 : 7, 8.) Ce qui est édifié sur l’autorité humaine tombera ; mais ce qui repose sur le rocher immuable de la Parole de Dieu subsistera éternellement.


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